vendredi 22 juin 2012

Une souris et des infirmières de recherche

Un autre petit récit réalisé lors de mon dernier séjour à l'urgence et inspiré par mes deux premiers mois de tests et traitements.  
Savez-vous quoi?  J'ai l'honneur de faire partie d'un magnifique protocole de recherche.  Je suis moi-même d'accord avec l'idée générale qu'un protocole de recherche procure de nombreux avantages (suivi plus serré à court et à long terme, potentiel de guérison plus élevé si le médicament testé fonctionne,...). D'ailleurs, je crois avoir pris une décision éclairée et réfléchie lorsque j'ai accepté de participer au D-CARE.  Ce que j'ignorais et qui n'est malheureusement pas écrit en petits caractères dans le contrat, c'est que lorsque l'on débute un protocole de recherche, notre identité humaine (dont l'équipe officielle d'oncologie prend si soin dans le parcours habituel) est transformée en espèce d'identité bestiale de type souris de laboratoire.    


Ainsi, j'ai appris à mes dépens cet aspect difficile du fameux protocole de recherche. Certaines personnes pourront vous confirmer que je sais parfois être patiente (j'ai tout de même une petite Marie de trois ans (pourquoi? pourquoi maman? pourquoi? mais pourquoi maman?) et un ange d'un an qui fait souvent des dents).  C'est pourquoi, je juge que j'ai été tout de même assez patiente dans les circonstances (annonce d'un cancer de stade III suite à un mauvais diagnostic six mois plus tôt, vision d'une mort plus proche que désirée, milliers de tests désagréables, tristesse dans les yeux des gens qui m'aiment, traitements difficiles causant nausées et fatigue,...bon ok vous avez compris le portrait;)). J'ai tenté depuis le début de mes traitements de garder le sourire et j'y arrive assez bien - particulièrement quand je suis avec mes trois amours ou quand je vous écris.  Mais le vase de larmes et de rage vient encore de déborder il y a quelques jours... Et j'en ai vraiment marre.  

Voici les plaintes d'une patiente rendue impatiente par un système lourd et une équipe de suivi souvent inhumaine :  

- Oubli de demander un test essentiel au protocole (le HER2neu) qui a failli provoquer le report de mes traitements de chimio de deux semaines (traitements que j'avais déjà accepté de reporter de deux semaines pour participer au D-CARE).  S'en est suivi une course contre la montre pour obtenir par des contacts amicaux le fameux résultat...  Ou l'art de raccourcir un délai de 2 semaines en un délai de 2 jours.    

- Perte d'un flacon de mon sang essentiel (!) pour les résultats de recherche (il faut préciser que j'avais eu l'ordre de me rendre plus tôt au bureau de recherche ce qui implique de braver le trafic matinal du tunnel afin d'être à jeun de nourriture et de médicaments pour la prise de sang). L'infirmière, face à la bévue de l'équipe de recherche, a finalement refait une prise de sang après mon traitement de chimio et mon copieux petit-déjeuner.  Adieu la validité des résultats de recherche!  

- Oubli d'envoyer une demande de service au CLSC afin qu'une infirmière viennent me donner mon injection de Neulasta (vous vous souvenez du médicament miracle...) à la maison; le tout dans le but de former mon infirmier personnel, Martinou, qui sera responsable des prochaines injections.  Après quelques démarches personnelles de dernières minutes, j'ai dû me rendre d'urgence au CLSC (seul rendez-vous disponible dans 30 minutes) pour recevoir seule l'injection.  Martinou n'aura qu'à suivre le cours d'injection 101 sur YouTube!  

- "Impossibilité" d'envoyer une prescription urgente et très désirée par moi-même à ma pharmacie parce que la commis (affectueusement surnommée Tortue nonchalante par Mme la Souris) n'a pas le numéro de téléphone de la pharmacie (alors que ce numéro est inscrit à mon dossier - qui traîne dans la classeur de ladite tortue, et que je l'ai redonné la veille à l'infirmière de recherche pour éviter les malencontreux délais.). Après 18 coups de téléphone aux infirmières (qui terminent à 3h30 en recherche) et messages aux médecins oncologues, je me suis résignée à attendre au lendemain, malgré ma douloureuse infection.  

Je vous fais grâce des nombreuses petites erreurs et délais liés à notre lourd système qui roule encore sur du papier à l'heure où même ma fille de trois ans sait utiliser mon iPad; ainsi que des prises de sang ratées, des solutés installés à mon insu dans mon bras gauche (je suis gauchère!) sans me mettre de jaquette d'hôpital au préalable (vous essaierez d'enlever un chandail de fille serré avec un poteau et trois sacs de soluté accrochés au bras!).  Les infirmières de recherche, habillées en petit tailleur sexy, n'ont pas vraiment la main pour les opérations de terrain.   

Mais Élyse!, direz-vous, fais une femme de toi!  Parle à qqn : un médecin, un boss, demande un service comme tout le monde. Car croyez-le ou non, "tout le monde" ne m'a dit que du bien des services en oncologie.  Je les crois... Il s'agit juste de ne pas être réduite au stade de souris.  Mon oncologue m'a proposé de conserver ma première infirmière pivot, une soie, humaine et efficace, qui m'avait été attitrée avant mon enrôlement au sein du fameux protocole de recherche.  Seul problème, elle travaille à l'hôpital Pierre-Boucher et n'a aucun pouvoir ni sur l'équipe, ni sur les soins que je reçois à l'HMR.  Assertion testée deux fois et confirmée par moi-même.  À ma question "Pourrais-je tout simplement avoir une infirmière pivot ordinaire de l'HMR?", j'ai senti un malaise.  "Ce n'est pas possible...  Les patients de recherche ont un service particulier lié à leur statut (de souris, me disais-je).  À bien y réfléchir j'en suis moi-même venue à la conclusion que cela créerait encore plus de va-et-vient administratifs entre l'équipe de recherche et l'équipe d'oncologie et triplerait sûrement les risques d'erreurs et les oublis (J'imagine déjà le scénario :
- Infirmière d'onco :  "L'infirmière de recherche m'a dit qu'elle le ferait."
- Infirmière de recherche :   "Ah non!? Votre injection de chimio n'est pas prête... J'étais pourtant persuadée que c'était l'équipe d'oncologie qui y voyait. Bon, revenez la semaine prochaine, on aura eu le temps de se démêler d'ici là." ) ;)  

En conclusion, le choix est assez simple, je reprends mon identité humaine en arrêtant le protocole de recherche ou je poursuis ma collaboration cahoteuse avec l'équipe de recherche au risque d'y perdre encore quelques sourires et ma précieuse énergie essentielle à ma guérison et au bonheur de ma famille.    

Merci d'avoir écouté mes tristes plaintes.  Promis, mon prochain courriel sera plus joyeux.

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